Lorsque la série sur Miss Marvel a été annoncée sur Disney+, un élément majeur a subi les foudres du grand public : sa religion, qui était au centre de la promo. Kamala Khan est une adolescente musulmane issue d’une famille d’immigrés pakistanais, à l’image de sa créatrice Sana Amanat.
Dès le lancement de sa promo, la série s’est vue rabaissée par un argument particulier, qui est devenu petit à petit le centre mon attention : « Mais… les super-héros n’ont pas de religion ! Citez-moi un seul super-héros qui parle de sa religion » démontrant une méconnaissance certaine du média papier car, bien-sûr, le sujet est central dans les comics pour les personnages en eux-mêmes, ainsi que dans diverses adaptations.
Alors, quelle est la véritable place de la religion chez les super héros ? Parlons-en !
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Les comics ont toujours évolués en fonction de la société, s’adaptant aux modes, à la politique, et aux événements qui bouleversent notre monde. En 1940 par exemple, la situation des juifs en Allemagne nazie et les tensions internationales qui menacent l’arrivée imminente d’une guerre motivent le scénariste Joe Simon et le dessinateur Jack Kirby, tous deux de confession juive, à créer un super-héros patriote : Captain America.
Ce nouveau héros est rapidement utilisé comme symbole de révolte contre le régime nazi, devenant le porte parole de l’espoir pour la jeunesse américaine. Mis en scène dans des combats dantesques, le Super Soldat a même été dessiné en train cogner Adolf Hitler en personne ! Le personnage gagne en popularité de comics en comics jusqu’en 1945, année signant la fin de la Seconde Guerre Mondiale. S’ensuit une période où le comics perd son intérêt, et les ventes chutent drastiquement. Marvel essaye tant que bien que mal de relancer la machine en remplaçant Bucky par Golden Girl, l’amour de jeunesse de Steve, mais rien n’y fait. Vient alors la Guerre Froide, où Captain America se voit attribué une nouvelle série de comics nommée CAPTAIN AMERICA : COMMIE SMASHER (« Briseur de Communiste » en anglais) qui sera rapidement abandonnée à cause de sa propagande jugée ridicule et le personnage est délaissé.
La vie privée des super-héros est analysée puis développée, et la religion fait son arrivée d’abord en tant qu’élément pour développer le côté humain héros, puis en tant que partie entière de l’histoire.
Chez Marvel, c’est surtout dans les comics X-Men que la religion est travaillée en tant qu’élément à part entière. En plus d’un Magneto juif qui voit la mutation comme l’évolution, décrivant les mutants comme le peuple choisi par Dieu à l’image du peuple juif (les mutants subissent d’ailleurs une sorte de nouvel holocauste), les X-Men ne tardent pas à nous offrir d’autres personnages avec un fond religieux plus important qui s’ouvre aux religions majeures en dehors de l’Amérique.
Donc, en plus de Shadowcat qui est une adolescente juive qui fait l’éloge de la Torah et porte un collier représentant l’étoile de David, et de Diablo qui se dévoile en tant que fervent chrétien catholique qui ne jure que par la Trinité malgré son apparence de démon, les X-Men voient l’arrivée de Dust (voir ci-contre), une jeune femme afghane de confession musulmane sunnite arborant un hijab, ou encore Thunderbird qui est hindou et lutte contre la consommation d’animaux.
De même avec la religion, la démonologie est également incorporée dans le monde des comics pour travailler à la fois son lore et les duels intérieurs des personnages en ébranlant leur foi et convictions. Ainsi vient Méphisto (le Méphistophélès biblique) ou encore Belzébuth, puis c’est Dieu Lui-même qui fait Son arrivée, décrit comme le Créateur de toutes choses — même des Asgardiens ou des dieux gréco-romains ! Chez Marvel, il se nomme The-One-Above-All (Celui-Qui-Est-Au-Dessus-De-Tout), alors que chez DC Il est présenté en tant que The Presence (la Présence).
Petit à petit, bon nombre de personnages sans religions se mettent à en avoir une, ou à se convertir. Par exemple, Reed Richards qui ne jurait jadis que par la science se met à prêcher la Trinité (MARVEL DOUBLE SHOT #3), Virtue et Peter Parker prient ensemble dans un placard du Daily Bugle (MARVEL KNIGHTS: SPIDER-MAN #14), ou encore Sabretooth qui devient carrément évangéliste !
Certains personnages n’existent que pour leur religion. C’est le cas de Eddie Brock par exemple, qui devient Venom grâce à sa foi catholique inébranlable. En voulant commettre le péché ultime – le suicide – après avoir vu sa carrière détruite par Spider-Man, Eddie se rend à l’église pour prier et demander pardon… mais Peter se sépare du Symbiote au même endroit, au même moment. Le hasard, tout ça…
En tant que Venom, Eddie est catégorique sur son refus de commettre des actes allant à l’encontre de sa foi, ce qui pousse le Symbiote à ne tuer que des criminels.
PARLONS-EN: BATMAN EST-IL UN TUEUR ?
Chez DC Comics, la religion est moins présente que dans les œuvres de leur concurrent, mais elle n’en est pas absente pour autant. Entre autres, nous pouvons retrouver Nightrunner et Green Lantern (Simon Baz) qui sont musulmans sunnites – Bilal Asselah alias Nightrunner est très religieux, Aalok et Afni qui sont hindou, Green Lantern (John Stuart) et Harley Quinn qui sont juifs, ou encore Blue Beetle et Doctor Mid-Nite qui sont catholiques… mais le sujet est moins approfondi que chez Marvel. La folie religieuse est tout de même représentée via certaines organisations extrémistes comme l’Ordre de Saint-Dumas, un groupe sectaire dérivé de l’Ordre des Templiers d’où vient Azrael, le remplaçant de Bruce Wayne en tant que Batman durant l’événement KNIGHTFALL.
Au cinéma, en dehors des rares personnages qui exhibent leurs croyances comme Daredevil, Constantine, ou encore Miss Marvel, la religion fait son apparition sous forme d’adaptation scénaristique et visuelle. Par exemple, au sein du DC Extended Universe, Superman est traité comme une figure christique. De nombreux plans de MAN OF STEEL et BATMAN V SUPERMAN sont des quasi reproductions de tableaux mettant en scène Jésus lors de ses différentes épopées bibliques, tandis que X-MEN 2 utilise l’un des récits les plus importants des trois religions monothéistes avec Jean Grey, une représentante du peuple choisi par Dieu selon Magneto qui sépare la mer en deux pour permettre la survie des siens, à l’image de Moïse qui sauve son peuple de Pharaon en ouvrant la Mer Rouge en deux.
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Quelle est la place de la religion au sein des comics ? Elle est centrale. Son absence dans la majorité des adaptations en live-action ne fait pas d’elle un élément totalement inexistant, bien au contraire… Le Marvel Cinematic Universe tant adulé fait même l’éloge du monothéiste lors de la rencontre entre Captain America et Thor. Le fait qu’une personne arbore sa religion dans une série ou un film n’en fait pas pour autant une œuvre woke mais, au contraire, une œuvre au plus proche de ce qu’est le comics en tant que tel.
Car oui, le comics est un média woke qui n’existe que pour éveiller les consciences en faisant passer des messages sociétaires et lutter contre diverses discriminions, bien que ce soit également utilisé comme moyen de propagande politique, comme la fois où Spider-Man a fait équipe avec Barack Obama pour arrêter le Caméléon (AMAZING SPIDER-MAN #583) mais ça, c’est une autre histoire…
La version vidéo
L'AUTEUR
YANNIS FARDEAU
Co-fondateur de COMIX'TRÊME ─ fana de Stephen King, Potterhead, et passionné de blagues Carambar. Collectionne des alpagas (vivants) pour devenir maître du monde et, objectivement, manger des glaces.
